JACOB (YAÂQOUB)
JACOB (YAÂQOUB)
Jacob est un patriarche selon la Bible. Il est le fils d’Isaac et de Rebecca et le frère d’Esaü, à qui il rachète son droit d’aînesse pour un plat de lentilles. La Bible développe abondamment ce récit, qui peine pour s’imposer comme une chronique historique. (Genèse 25. 39). D’après l’Ancien Testament, alors qu’il préparait un plat de lentilles, Jacob reçut la visite de son frère ainé Esaü, qui revenait de la chasse, très fatigué et lui dit : «Je n’en peux plus, laisse-moi vite avaler ce potage roux. » Jacob répondit : « Cède-moi d’abord tes droits de fils aîné. » Esaü déclara : « Je vais mourir de faim. A quoi me serviront mes droits de fils aîné ?... Alors Esaü jura qu’il lui cédait ses droits de fils aîné et Jacob lui donna du pain et du potage aux lentilles. Esaü mangea et but, puis s’en alla. Il n’accorda aucune importance à ses droits de fils aîné. » (Genèse 25. 30 à 34). A l’époque, l’aîné de la famille héritait des droits et des biens laissés par les parents. Ce sont précisément toutes ces attributions dont se dessaisit Esaü en échange d’un plat de lentilles. Une fois la transaction accomplie, ou plutôt le piège refermé, il restait à Jacob de convaincre son père de lui céder ces droits qui étaient promis à Esaü, car il n’était pas au courant de ce marché et ne pouvait l’approuver sans contrevenir à toutes les conventions en usage à l’époque.
Sur les conseils de sa mère, qui imagina le stratagème, Jacob devait user d’artifices, pour tromper son père et arriver à réaliser son rêve. Elle apprêta deux chevreaux et en fit un de ces plats appétissants dont raffolait Isaac, puis recouvrit les bras et les parties lisses du cou de Jacob, avec les peaux de chevreaux, car Esaü avait un système pileux particulièrement développé. Puis, ainsi accoutré Jacob prit le plat et du pain et alla trouver son père qui était pratiquement aveugle. « Mon père, lui dit-il, je suis Esaü, ton fils aîné, viens donc t’asseoir pour manger ce que je te rapporte, ensuite tu me donneras ta bénédiction. » « Approche, je veux te toucher pour m’assurer que tu es bien mon fils Esaü, répondit Isaac. » Il le toucha au bras, mais ne s’aperçut pas du stratagème, car Jacob était couvert de poils, comme ceux d’Esaü. Isaac demanda : « Tu es bien mon fils Esaü ? » « Oui, répondit Jacob. » « Sers-moi mon fils, pour que je mange et que je te donne ma bénédiction. » Isaac mangea puis donna sa bénédiction à Jacob, alors qu’elle était destinée à Esaü. Lorsque ce dernier revint de la chasse, il prépara un plat appétissant avec le gibier et le rapporta à son père. « Qui es-tu demanda Isaac ? » « Je suis Esaü, ton fils aîné, répondit-il » « Mais alors qui est celui qui a chassé du gibier, me l’a apporté et m’a fait manger de tout avant ton arrivée ? C’est à lui que j’ai donné ma bénédiction, et elle lui restera acquise. »
Quand Esaü entendit les paroles de son père, son cœur déborda d’amertume et il se mit à pousser de grands cris. Il supplia son père : « Donne-moi aussi une bénédiction, père ! » « Ton frère est venu et m’a trompé. Il a emporté la bénédiction qui te revenait…Je ne peux rien faire pour toi mon fils. » « Il porte bien son nom de Jacob (qui signifie celui qui dupe), répondit Esaü. Puisqu’il m’a dupé deux fois. Il s’est emparé de mes droits de fils aîné et maintenant voilà qu’il s’empare de la bénédiction qui me revenait ! » (Genèse. 27.1 à 40). Dès lors, Esaü promit de tuer Jacob qui l’avait berné aussi perfidement. Cependant, malgré sa détermination, il n’arriva pas à ses fins et Jacob, le fourbe et l’hypocrite, put savourer les fruits de son escroquerie.
Jacob était l’époux de Léa et de Rachel, filles de Laban, mais il est connu surtout pour être le père des douze fils, qui ont donné naissance aux douze tribus d’Israël. Il a été surnommé « Israël », par les siens, après son « combat contre Dieu » et de ce fait il est considéré comme l’ancêtre éponyme des Israélites qu’il fait descendre en Egypte à l’appel de son fils Joseph (Youssef), alors intendant de Putiphar, un personnage égyptien, puis ministre de Pharaon. Il meurt dans ce pays. Jacob n’est pas considéré comme un Prophète par la Bible, mais seulement le dernier des patriarches qui vécurent avant lui, et dont la longévité était légendaire.
Le Coran au contraire, en fait un Prophète de Dieu, éminent. « Lorsque Abraham abandonna son père et ceux qui adoraient des faux dieux, Nous lui donnâmes pour fils Isaac et Jacob et firent d'eux des Prophètes. » (Coran 19. 49). Jacob était le fils d’Isaac et le petit-fils d’Abraham et allait fonder la lignée israélite. II est présenté sous les traits d'un homme possédant la science (Coran 12. 68), et soumis à Dieu (« soumis » est la traduction de mouslim ou musulman). Il recommanda à ses enfants la soumission au Créateur de l’univers, au même titre qu'Abraham l'avait préconisée avant lui. Le Coran rappelle : « Lorsque Dieu dit à Abraham : « Résigne-toi à Ma Volonté. » Il répondit : « Je me soumets au Seigneur de l’univers. » Abraham engagea ses enfants à suivre cette voie et Jacob en fit autant. Il leur dit: « Ô mes enfants, Dieu vous a choisi une religion, ne mourrez pas sans l’avoir embrassée. Lorsque la mort se présenta à lui, il dit à ses enfants : « Qu’allez-vous adorer après moi ? » Ils répondirent : « Nous adorons ton Dieu, le Dieu de tes pères : Abraham, Ismaël et Isaac, le Dieu Unique et nous nous soumettons à Lui. » (Coran 2. 131-133)
Plus tard, Jacob reçut le nom d’Israël après son combat de nuit contre Dieu ! (Genèse 32). En hébreu le terme Israël évoque effectivement l’expression de « lutter contre Dieu ».Voici comment l’Ancien Testament présente cet épisode capital pour les Judéo-chrétiens, mais invraisemblable pour les Musulmans : « Au cours de la nuit, Jacob se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes et ses onze enfants et leur fit traverser le gué du Yabboq avec tout ce qu’il possédait. Il resta seul et quelqu’un lutta avec lui jusqu’à l’aurore. Quand l’adversaire vit qu’il ne pouvait le vaincre dans cette lutte, il le frappa à l’articulation de la hanche qui se déboîta. Il dit alors : « Laisse-moi partir, car voici l’aurore. » « Je ne te laisserai pas partir si tu ne me bénis pas » répliqua Jacob. L’autre demanda : « Comment t’appelles-tu ? » « Jacob », répondit-il. L’autre reprit : « On ne t’appellera plus Jacob mais Israël, car tu as lutté contre Dieu et contre les hommes et tu as été le plus fort ! » « Jacob demanda : « Dis-moi donc quel est ton nom ? » « Pourquoi me demandes-tu mon nom ? » répondit-il. Alors, il bénit Jacob. Celui-ci déclara : « J’ai vu Dieu face à face et je suis encore en vie. » C’est pourquoi il nomma cet endroit Penouel, qui signifie Face de Dieu. Quand le soleil se leva, Jacob avait passé le gué de Penouel. Il boitait à cause de sa hanche. Aujourd’hui encore les Israélites ne mangent pas le muscle de la cuisse à l’articulation de la hanche, parce que Jacob a été blessé (par Dieu) à ce muscle. » Genèse 32. 23 à 33)
Les Musulmans rejettent nombre de ces données qu'ils considèrent comme une offense à la Gloire du Seigneur de l’univers et une altération flagrante du Texte biblique originel. D’après Tabari, spécialiste en islamologie, le nom d’Israël serait issu de la formule « asra ila Allah », dont le sens est : « Il s'est réfugié de nuit vers Dieu », et ce, afin de fuir son frère Saül, qui voulait le tuer. La contraction de la phrase aurait formé le mot de « Asraël » (Israël). D’une façon générale, le Coran réprouve la version biblique qui présente souvent les Prophètes sous des apparences d'hommes perfides, trompeurs, vindicatifs et dévoyés.
Dans le cas présent, qui se passe de tout commentaire, Jacob lui-même, lutte corps à corps contre Dieu, et n’a pu être vaincu par ce dernier après un duel qui dura toute une nuit ! Même si les limites de la bienséance semblent exploser, il n’en s’est rien dans la réalité, puisque les scribes, les prêtres et les docteurs de la Loi qui ont rédigé ou approuvé ce passage, avaient déjà décrit le Dieu biblique, comme un être imité dans tous les domaines. Aussi, le fait de lui résister dans un combat, n’était pas vu comme un exploit extraordinaire. Cela se situait juste à la limite de l’acceptable, même si Jacob au début, puis les Israélites par la suite en retirèrent une fierté déplacée.
Cette narration biblique qui s’apparente plus à un conte fantastique, dépourvu de réalisme avait pour but de démontrer, que sous la conduite de Jacob leur chef, désormais, les Juifs étaient à l’abri de tout ; même d’un éventuel coup fourré concocté par un Dieu biblique qui n’était plus en mesure de s’opposer à lui. Les peuples d’alors étaient subjugués par les récits mythologiques où l’invraisemblance se mêle à l’héroïsme ; les prêtres et les scribes, ont usé de ce stratagème rodé et éprouvé pour acquérir à leurs causes des fidèles, qui faute d’activités culturelles, avaient toujours le loisir de tomber sous le charme de légendes invraisemblables, qui pour être efficaces, devaient sortir de l’ordinaire quotidien et de la grisaille régnante.