Donner la Zakat à des association qui l'utilise pour financer des projets en faveur des pauvres


Site Team

Question

As-salamou 'aleykom,

 

 

 

Est-il permis de verser Zakât al-Mâl à des associations qui utilisent cet argent pour aider les pauvres en leur remettant mais qui utilisent aussi cet argent de Zakat al-Mâl pour financer des projets en faveur de ces pauvres comme:

 

- Lutte contre le paludisme

- L'élevage de chèvre

- La distribution de colis alimentaires pendant Ramadhan

- Le forage de puits

- Réhabilitation d'écoles

- Lutte contre la précarité

- Autres besoins vitaux des pauvres

 

C'est en fait la répartition de la plupart des associations caritatives dans l'utilisation de Zakat al-Mâl (données tirées de leur site web).

 

Or, il me semble avoir lu dans une de vos fatawas que la Zakât al-Mâl devait être remise sous la même forme que la nature de son prélèvement (ici le liquide).

 

Veuillez, s'il vous plait, nous éclaircir en nous détaillant l'avis des ulemas et la meilleure chose à faire.

Puisse Allah vous récompenser de la meilleure des manières

Réponse

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction d'Allah soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons.

Si ces associations caritatives fonctionnent comme vous l'avez décrit, il n’est alors pas permis de leur donner la Zakât et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ces associations font fructifier l’argent de la Zakât et ne le donnent pas directemment aux bénéficiaires. Or, la Zakât doit obligatoirement être payée aux bénéficiaires. Ces derniers doivent en prendre possession. Il n’est pas permis de donner l’argent de la Zakât à une association qui ne le reverse pas aux bénéficiaires.
Une autre raison est que ces associations peuvent dépenser l’argent de la Zakât dans un domaine où il n'est pas censé être dépensé comme celui de la lutte contre le paludisme. En effet, la lutte contre le paludisme concerne aussi bien les riches que les pauvres. Or, la Zakât ne doit pas être dépensée au bénéfice des riches.
L'association dont vous parlez se sert également de l’argent de la Zakât pour l'achat et la distribution de provisions pendant le mois de Ramadan. Or, là aussi les riches sont concernés. En outre, il est interdit d'utiliser l’argent de la Zakât pour creuser des puits, construire des écoles, faire l'élevage du bétail ou toute autre chose qui ne permet pas aux pauvres de prendre possession de l'argent. Le cheikh ibn Bâz, qu'Allah lui fasse miséricorde, a dit : « Certains oulémas contemporains sont d’avis qu’il est permis de dépenser l’argent de la Zakât dans des projets caritatifs, mais ce n’est pas l’avis prépondérant, car il est contraire à l'avis des anciens oulémas et aux preuves fournies par la Charia ».

Le Cheikh ibn ‘Uthaymîn, qu'Allah lui fasse miséricorde, a le même avis et c’est également ce qui est mentionné dans les fatwas du Comité permanent : « Le paiement de la Zakât ne doit pas être retardé ni dépensé dans des projets caritatifs à caractère général », affirme le comité.

Le principe de base veut que la Zakât soit remise aux bénéficiaires sous la nature même qu'elle a été prélevée et non l’équivalent. Payer la Zakât en donnant l'équivalent en argent des biens prélevés prête à des divergences entre les oulémas. Il existe à cet égard trois avis : la permission absolue, l’interdiction absolue et la permission seulement en cas de nécessité ou dans un intérêt spécifique. Puisque vous avez demandé des détails, sachez que le premier avis, en faveur de la permission absolue, est celui de l’école hanafite. C'est également l'avis d’al-Thawrî et de l’Imam al-Bukhârî, qu'Allah leur fasse miséricorde.

Al-Hâfidh, qu'Allah lui fasse miséricorde, a dit en citant Ibn Rachîd : « Al-Bukhârî a rejoint l’avis de l’école hanafite sur cette question et bien qu’il soit opposé à d'innombrables avis de cette école, les preuves le poussèrent à adopter cette position »

Al-Nawawî, qu'Allah lui fasse miséricorde, a dit : « Ceux qui ont autorisé le payement de la Zakât en donnant son équivalent en argent se sont appuyés sur l'histoire de Mu’âdh, qu'Allah soit satisfait de lui, que le Prophète () envoya aux habitants du Yémen afin de prélever leur Zakât. Il leur dit : “Apportez-moi des biens en nature, des pièces d’étoffe (Khamîs) ou des vêtements pour le paiement de l’aumône légale, à la place de l’orge et du millet, car cela est plus facile pour vous et préférable pour les compagnons du Prophète () qui se trouvent à Médine.” » (Rapporté par al Bukhârî)

Ils se sont appuyés également sur un hadith authentique décrétant le don d’une chamelle d’un an pour un troupeau de camélidés de vingt-cinq têtes, et à défaut d'un chamelon de deux ans révolus. Selon eux, ce hadith montre qu'il est permis de convertir la valeur d’un bien en argent pour le paiement de la Zakât. En effet, tant qu’il s’agit de bien sujets à la Zakât, il est permis de s’en acquitter en payant l’équivalent de leur valeur en argent au même titre que les articles destinés à la vente. Et étant donné que la valeur d’un bien est convertible en argent, ce procédé ressemble à ce qui est mentionné dans les textes de la charia. Ainsi, s’il est permis de donner l’équivalent d’un type de bétails à la place d’un autre, sur la base de sa valeur, il doit être également permis de donner un type de bien à la place d’un autre en se basant également sur la valeur. » (Al-Fath)

La majorité des oulémas, en la personne des malékites, des chaféites et des hanbalites, se sont opposés à ce principe. Al-Nawawî, qu'Allah lui fasse miséricorde, mentionne dans son livre Al-Madjmû’ que : « La Charia mentionne spécifiquement la chamelle d’un an, la chamelle de deux ans, la chamelle de trois ans, la chamelle de quatre ans, la vache d’un an, la vache de deux ans, une ou plusieurs chèvre (selon les cas) pour la Zakât. Il n’est donc pas permis de donner autre chose que ces bêtes tout comme il n'est pas permis de modifier les caractéristiques convenues des bêtes déstinées aux sacrifices rituels, à faire al-'Aqiqa lors de la naissance d'un enfant, ou à l'expiation (Kafara) ...
L’auteur du livre intitulé Al-Hâwî s’appuie sur la parole du Prophète () qui a ordonné de verser la Zakât al-Fitr en donnant un boisseau prophétique de dattes, d’orge etc. Le Prophète () n'a rien mentionné d'autre. Le Prophète () a dit :

« Tout propriétaire d'un troupeau de camélidés de vingt-cinq têtes est redevable d’une Zakât à raison d’une chamelle d’un an et à défaut de cette dernière, d'un chamelon de deux ans. » (Al-Bukhârî)

S'il avait été permis de donner de l'argent à la place de ces bêtes, le prophète (Salla Allaho 'Alaihi wa Sallam) l'aurait sans doute mentionné au même titre qu'il a mentionné la chamelle de trois ans et deux chèvres ou vingt dirhams pour celui qui ne possède pas une chamelle de quatre ans.

Dans le hadith d’Anas, qu'Allah soit satisfait de lui, au début du chapitre concernant la Zakât sur les chameaux, le Prophète () a évalué à vingt dirhams le montant que doit verser celui qui ne possède pas les bêtes requises et donner à leurs places des bêtes moins valeureuses. Or, s’il avait été permis de payer la valeur en monnaie de la Zakât, le Prophète () n’aurait pas fixé cette somme et celle-ci aurait alors varié en fonction de la valeur du bétail et de la monnaie. Al-Djuwaynî a dit dans son livre intitulé al-Asâlîb : « Les oulémas chaféites se basent sur la preuve que la Zakât est un acte d’adoration envers Allah, exalté soit-Il, et pour tout acte d’adoration, la règle veut que l’ordre d’Allah, exalté soit-Il, soit respecté ».

Le troisième avis sur la question est d'autoriser dans certains cas le paiement de la Zakat en donnant son équivalent en argent. Il est alors permis de donner la valeur en argent de la Zakât lorsque cela est nécessaire ou lorsqu’il y a un intérêt qui l'exige, sinon cela est interdit. C'est l’avis du cheikh al-Islâm ibn Taymiyya, qu'Allah lui fasse miséricorde, qui affirme que les avis de l'Imam Ahmad, qu'Allah lui fasse miséricorde, vont dans ce sens. C’est ce que rapporte ibn Qâsim al-Nadjdî, qu'Allah lui fasse miséricorde, dans la glose du livre intitulé al-Rawd en disant : « Il est permis de donner la valeur en monnaie de la Zakât lorsque cela est nécessaire ou comporte un intérêt. C'est le cas par exemple de quelqu’un qui vend les fruits de son verger pour en répartir la valeur de manière équitable entre les pauvres et lui. L’Imam Ahmad, qu'Allah lui fasse miséricorde, mentionne la permission de faire cela. Un autre exemple est celui de quelqu’un qui doit donner une chèvre qu’il ne possède pas en guise de Zakât, ou lorsque les bénéficiaires de cette chèvre en réclament la valeur sous forme monétaire parce que cela leur est préférable. »

Notre avis est qu’il n’y a pas de mal à payer la valeur de la Zakât lorsque cela est nécessaire et lorsqu’il y a un intérêt à le faire, surtout pour les pauvres.

Certains oulémas font une exception pour la Zakât al-Fitr. Ils permettent le paiement de la valeur en monnaie de la Zakât en général sauf Zakât al-Fitr. Cette exception a été rapportée par l’Imam Ahmad, qu'Allah lui fasse miséricorde, dont l’avis faisant autorité dans son école est l’interdiction absolue de payer la valeur monétaire de la Zakât, mais dont une version rapporte que cela est permis à l’exception de la Zakât al-Fitr.

Ibn Qudâma al-Maqdisî, qu'Allah lui fasse miséricorde a dit : « L’avis faisant autorité dans l’école est qu’il est interdit de payer la valeur en argent pour n’importe quelle Zakât. C'est l’avis des Imams Mâlik et Al-Châfi’î, qu'Allah leur fasse miséricorde. Quant à al-Thawrî et Abû Hanîfa, qu'Allah leur fasse miséricorde, ils disent que c'est permis comme cela a été rapporté de ‘Umar ibn ‘Abd Al-‘Azîz qu'Allah lui fasse miséricorde, et d’al-Hasan, qu'Allah soit satisfait de lui. Il a été rapporté de l’Imam Ahmad, qu'Allah lui fasse miséricorde, le même avis exception faite de la Zakât al-Fitr pour laquelle il affirma qu’il n’ést pas permis de payer sa valeur en argent. Abû Dâwûd, qu'Allah lui fasse miséricorde, a rapporté que quelqu’un dit à Ahmad, qu'Allah lui fasse miséricorde : “Je donne des dirhams pour la Zakât al-Fitr”. Ahmad, qu'Allah lui fasse miséricorde, répondit : “Je crains que cela ne soit pas valable, car cela va à l’encontre de la Sunna du Prophète ()”. Selon Abû Tâlib l’imam Ahmad, qu'Allah lui fasse miséricorde, a dit : “Qu’il ne donne pas la valeur en monnaie”. On l’informa alors que les gens disaient que ‘Umar ibn ‘Abd Al-‘Azîz, qu'Allah lui fasse miséricorde, en prenait la valeur et il répondit : “Les gens délaissent la parole du Prophète () au profit de la parole d’untel ?” Quant à Ibn ‘Umar, qu'Allah soit satisfait de lui, il dit : “Ainsi ordonna le Prophète () et Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) : ‘Obéissez à Allah et obéissez au Messager’ (Coran 64/12)”.
Il a été rapporté qu’Ahmad, qu'Allah lui fasse miséricorde, a permis que l’on paye la valeur en monnaie de la Zakât sauf la Zakât al-Fitr. Abû Dâwûd, qu'Allah lui fasse miséricorde, a dit : “On questionna Ahmad à propos d’un homme qui avait vendu les fruits de son palmier.
– ‘Il doit donner le dixième en Zakât’ répondit-il.
– ‘Doit-il donner des dattes ou leur valeur en monnaie ?’ demanda-t-on alors.
– ‘Il peut choisir de donner des dattes ou de donner leur valeur en monnaie’ répondit-il » (Al-Charh al-Kabîr).

Et Allah sait mieux.

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