Les actes qui mènent à la grandeur d’esprit


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Voici, cher lecteur, une liste de principes qui permettront de faire la lumière sur la notion de grandeur d’esprit, et qui permettront à quiconque les met en pratique de s’élever en degrés de noblesse. Celles-ci sont sous forme de notes synthétiques, car les contraintes [de rédaction] ne nous permettent pas de développer plus longuement.

 

1. L’homme doit être calme et posé. Aucun signe extérieur d’angoisse ou d’empressement ne doivent apparaître en lui, comme le fait de se retourner régulièrement ou de se déplacer à une allure extrêmement vive et contraire à la norme. Quant à la rapidité [modérée] qui marque l’absence de lenteur, cela révèle une détermination et raffermit la grandeur d’esprit.

2. La clarté, la belle élocution et la délicatesse dans les propos.

3. Le musulman doit préserver sa langue de porter atteinte à l’honneur de ses frères, de prononcer une parole involontaire et un langage indécent.

4. Rencontrer les gens avec un visage souriant, leur parler avec douceur sans chercher à deviner leurs intentions ou à lever le voile sur ce qui se passe dans leurs cœurs.

Al-Hasan Ibn Sahl disait à ce sujet : « La grandeur d’esprit et la noblesse se retrouvent dans le sourire. Il n’y a rien de mieux pour le cœur qu’un homme au grand cœur ».

5. Ecouter attentivement son interlocuteur, même s’il a tendance à se répéter et même si le contenu de ses propos est déjà connu. De fait, ceci incite le locuteur à apprécier la personne qui l’écoute et permet qu’il ne se sente pas dénigré. C’est ce point particulier que le poète Abû Tamâm a cherché à retranscrire dans ses vers :

Qui pourra m’indiquer un homme qui, lorsque je le mets en colère par mon impolitesse...

N’aura pour réaction que l’indulgence,

Et portera attention à mes dires de tout son cœur...

Et de son oreille, alors qu’il en est sûrement mieux informé ?

6. Etre franc, éviter tout hypocrisie ou tromperie. Il ne convient pas de manifester à une personne une certaine amitié et d’éprouver dans le même temps de la haine envers cette dernière. Aussi, il n’est pas acceptable d’attester de la bonne conduite d’une personne alors qu’on le trouve égaré du droit chemin. Ce qui est voulu ici est que l’exhibition et la flatterie ne doivent pas devenir des habitudes. Cependant, lorsque la sagesse exige que l’on garde pour soi ce qui est susceptible d’être extériorisé – tel que l’amitié et la haine – ceci démontre la grandeur d’esprit dans toute sa splendeur.

7. Que le pouvoir dont on peut disposer n’amène pas à l’orgueil et l’arrogance, et que la solitude que l’on s’impose ne mène pas au regret.

8. Contrôler ses émotions lors des moments de colère ou de joie intense.

9. Adopter une position modérée, dans les moments de facilité et lors des épreuves. Al-Bacîth disait :

Je ne suis pas de ceux qui se réjouissent lorsque le destin leur sourit

Ni de ceux qui se lamentent face aux aléas de la vie

Aussi, cAbdulazîz Ibn Zurârah Al-Kilâbî disait :

J’ai vécu longtemps et connu divers états,

Dans lesquels j’ai affronté la douceur et la portion congrue.

De toute chose, j’ai été éprouvé, sans que le délice me réjouisse,

Mais je ne me suis pas résigné de lamentation devant ces fatalités

L’effroi ne hante pas mon cœur avant que survienne le choc,

Et lorsqu’il se produit, je ne ressens aucune gêne.

10. Bien traiter son hôte, lui être jovial, être à son service, ne pas charger ses invités de tâches, aussi minimes soient-elles, comme le fait de demander à l’invité de faire passer un livre ou un verre ou autre…Surtout s’il s’agit d’une personne inconnue  ou bien une personne qui n’est pas habituée à servir les autres [NdC : de par son rang noble ou autre…].

cUmar Ibn cAbdilazîz a dit à ce sujet : « Utiliser ses invités ne fait pas partie de la grandeur d’esprit ».

11. La grandeur d’esprit appelle à ce que règnent le sérieux et la sagesse lors des assises et que les plaisanteries basses et excessives soient proscrites.

12. Le musulman ne doit pas commettre en secret des actes vils qu’il aurait eu honte de faire en public et qui entacheraient sa valeur.

13. Etre constamment pudique.

14. Toujours être doux.

15. Prendre sur soi pour satisfaire les gens et éviter le conflit.

16. Être véridique et honnête.

17. Préserver les secrets d’autrui, même en cas de rupture des liens d’amitié :

Le noble n’est pas celui qui, lorsque son ami commet une erreur,

Expose les secrets qu’il savait à son sujet.

Mais le noble est celui dont l’amitié perdure,

Et garde le secret, qu’il soit en bon ou mauvais terme.

18. La justice et l’équité

19. Se passer de ce que les gens possèdent et éviter de solliciter autrui. Ahmad Ibn Yahyâ dit :

Celui qui évite de quémander, son ami désirera le rencontrer,

De même que le nécessiteux, avec un visage radieux.

Ton frère est celui dont tu remplis les poches,

Mais si tu lui demandes son aide alors que tu deviens une charge pour lui.

 

20. Eprouver de la fierté et de l’attachement à sa religion, et de la pugnacité lorsque les limites d’Allah (al-mahârim) sont enfreintes.

21. La hardiesse, l’ambition élevée et le délaissement des futilités et des bassesses.

22. La loyauté envers ses frères.

23. Satisfaire les besoins gens.

24. Les aimer et s’empresser de les rendre heureux.

25. Toujours  faire preuve de modestie.

26. Supporter la dureté de la vie.

27. Ne pas se plaindre ouvertement des aléas de la vie si ce n’est pour revendiquer ses droits. Les Arabes ont rapporté des sagesses à ce sujet. Parmi elles :

Il arrive que le noble se montre souriant lors d’un malheur,

Alors que son cœur se consume de chaleur ardente.

28. Eviter d’énumérer les faveurs et les bienfaits prodigués, hormis en cas de réprimande ou bien lorsque l’on n’est pas capable de répondre à une demande. Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas d’évoquer ses bienfaits pour montrer un rapport de force mais plutôt pour rappeler le lien d’amitié qui les liait avant la demande [NdC : par exemple, il s’agit de dire : « Je ne peux pas satisfaire à ta demande, je t’ai déjà donné ceci et cela… »].

Allah dit : 

 ( يَٰٓأَيُّهَا ٱلَّذِينَ ءَامَنُواْ لَا تُبۡطِلُواْ صَدَقَٰتِكُم بِٱلۡمَنِّ وَٱلۡأَذَىٰ )

 « Ô les croyants! N’annulez pas vos aumônes par un rappel ou un tort » [Sourate « La Vache » – v.264]

Un homme disait à ses enfants : « Lorsque vous recevez un bienfait d’une personne, faites-le lui oublier ». Puis il dit : « Rappeler sa bonne action l’annule ».

Ibn Hazm rapporta : « Il existe uniquement deux situations où il est autorisé d’évoquer les bienfaits : la réprimande et le refus d’une demande. Hormis ces deux circonstances, il est odieux et réprouvé d’agir de la sorte.

29. Prendre garde à ne pas nuire ni blesser les sentiments d’autrui par une parole, un acte ou un geste.

30. Éprouver de l’affection envers ses frères, désirer ardemment retrouver ses origines et ressentir de la nostalgie pour le passé. Ibn cAbdil-Barr rapporte :

« On demanda à certains sages le critère qui permettait de déterminer l’intégrité des hommes sans les connaître, ni les tester. Ils répondirent : « Par leur volonté de retrouver leurs origines et leur regret du passé ». Ils rapportèrent en outre qu’Al-Asmacî rapporta qu’un bédouin dit un jour : «  Si tu souhaites connaître l’intégrité d’une personne et sa capacité à tenir ses engagements, observe donc le désir qu’il éprouve à retourner à ses terres d’origine, son affection envers ses coreligionnaires et le regret qu’il éprouve pour son passé ».

31. La bonté et la piété envers les parents, et l’entretien des liens de parenté (ou de proximité).

32. Rendre le mal par le bien.

33. Accepter les excuses de ceux qui en demandent.

L’Imâm Ash-Shâficî (?) a évoqué :

Accepte les excuses de la personne qui vient te demander pardon,

Qu’il ait dit du bien de toi ou non

Celui qui fait ce qu’il te plait t’a certes respecté,

Et celui qui te désobéit en secret t’aura obéi

34. Bien penser d’autrui et leur trouver des excuses.

Après la mort d’un des enfants de Yûnus Ibn cUbayd, on lui dit : « Le fils de cAwn n’est pas venu  te présenter ses condoléances ». Il rétorqua : « Lorsque nous sommes liés avec un frère par une forte amitié, son absence ne nous affecte pas ».

La femme de cAbdullah Ibn Mutîc dit à son mari : 

-          « Je n’ai pas vu pire que tes compagnons ! Lorsque tu te trouves dans l’aisance, ils te fréquentent et dans le cas contraire, ils t’abandonnent ! »

-          Il répondit : « Cela est dû à leur noblesse : ils nous entourent lorsque nous sommes en position de force par rapport à eux et ils nous quittent quand nous nous retrouvons impuissant devant ces derniers[1] ».

Deux hommes, amis l’un de l’autre, passèrent à proximité de Khâlid Ibn Safwân et l’un d’eux fit un détour pour venir le voir tandis que le second s’en détourna. On rapporta cela à Khâlid qui rétorqua : « Le premier est venu me voir car c’est une personne polie et le second s’est détourné car c’est une personne de confiance [NdC : c’est-à-dire qu’elle ne cherche pas à se mélanger avec n’importe qui] ».

35. La générosité sous toutes ses  formes : en faisant don de sa personne, de sa science, de son argent, de son pouvoir et en servant autrui. Etre généreux en évitant de solliciter les gens, en se montrant indulgent et ainsi de suite...

36. Préserver  l’honneur d’autrui. S’éloigner des endroits où règnent la suspicion et la moquerie.

37. Se détourner des ignorants : 

(خُذِ ٱلۡعَفۡوَ وَأۡمُرۡ بِٱلۡعُرۡفِ وَأَعۡرِضۡ عَنِ ٱلۡجَٰهِلِينَ ١٩٩)

« Accepte ce qu’on t’offre de raisonnable, commande ce qui est convenable et éloigne-toi des ignorants ». [Sourate « Al-Acrâf », v.199].

38. L’indifférence [face aux erreurs d’autrui].

39. Faire des concessions dans les transactions commerciales, sans que ce soit par faiblesse ou par incapacité.

40. S’offrir des cadeaux  conformément à la parole du  prophète (e): « Offrez-vous des cadeaux, vous vous aimerez entre vous[2] ».

41. Etre indulgent  et contenir sa colère.

42. Traiter les gens en fonction de leur rang.

43 Chercher le compromis et éviter les mésententes entre les compagnons, particulièrement lors d’un voyage.

Al-Ahnaf Ibn Qays disait : « Si je m’étais assis auprès de cent personnes, j’aurai aimé chercher la satisfaction de chacune d’entre elles».

Abû Ghassân Ghanâh Ibn Kulayb disait également : « Je me réunis un jour avec Muhammad Ibn An-Nadhr Al-Hârithî, cAbdullah Ibn Al-Mubârak, Fudhayl et un autre homme. Je leur avais préparé à manger. Muhammad Ibn An-Nadhr n’essayait jamais de nous contredire. C’est pourquoi Ibn Al-Mubârak s’étonna et lui dit : « Tu nous contredis que très rarement ! » puis il leur a entonné les vers suivants :

Si tu fréquentes une personne, fréquente un noble, plein de pudeur, de chasteté et générosité.

Qui dit non lorsque tu dis non, et dit oui lorsque tu dis oui.

44. Evoquer les qualités et camoufler les défauts d’autrui.

45. Avoir un corps propre.

46. Dégager une bonne odeur.

47. Accorder de l’importance à l’apparence sans exagération, ni vanité.

48. Accepter la critique constructive et le conseil sincère avec noblesse et ouverture.

49. Eviter de trop manger, parler, dormir et se mêler aux autres.

50. Respecter les us et les coutumes tant qu’elles ne sont pas en contradiction avec la législation islamique.

51. Veiller à toujours se comporter comme un étranger ici-bas.

52. Fréquenter les nobles d’esprit.

53. Accorder une grande considération au bien que les autres font.

Sufyân Ath-Thawrî disait : « J’étais assoiffé mais une personne me précéda au point d’eau puis m’abreuva ensuite. Le bien qu’il m’avait fait m’était insupportable, car je ne pouvais pas trouver de quoi le récompenser en échange ».

54. Oublier ses bonnes actions et les considérer comme insignifiantes.

55. Respecter les droits des voisins en évitant de leur porter atteinte, en supportant leurs torts, en les protégeant, en les défendant, en se montrant bienveillant avec eux et en les honorant.

56. La crainte pieuse (« At-taqwâ »). Elle constitue l’essence de la noblesse d’esprit. Elle est son début et sa fin. Elle est comme un joyau au milieu de son collier.



[1] NdC : c’est comme si l’auteur faisait allusion au champ lexical de la guerre. Il compare ses amis à des personnes courageuses qui n’ont pas peur de se retrouver en état de faiblesse devant plus fort qu’eux et qui ont pitié du faible lorsqu’il se retrouve affaibli et le délaissent.

[2] Rapporté par Al-Bukhârî dans « Al-Adab Al-Mufrad », par Al-Bayhaqî dans « As-Sunan Al-Kubrâ », d’après le hadith d’Abû Hurayrah.

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